Présentation générale
A la conquête du ciel de Salta
Juan Esteban Cañizares.
Afin de mieux aborder
l'Amérique latine et de se familiariser avec un monde qui peut parfois décontenancer par sa grandeur et ses contrastes, je vous propose ici un petit résumé de l'évolution socio-économique de
ce sous-continent américain. Seuls les éléments nécessaires à la compréhension de ce monde fascinant apparaîtront dans cette page.
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LA FORMATION DE LA
POPULATION
Il y a à peu près 30.000
ans, à l'époque des dernières glaciations, le continent américain n'était pas aussi isolé qu'aujourd'hui et le détroit de Béring, gelé, servait donc de pont entre l'Amérique et l'Asie. Et c'est
bien d'Asie que proviennent les ascendants des amérindiens. Peu à peu, ils descendirent vers le sud et on estime aujourd'hui qu'ils se sont sédentarisés il y a 14.000 ans après avoir mis en place
la culture de la céréale (Le maïs) qui deviendra le fondement même de leur vie matérielle, spirituelle et culturelle.
L'évolution de ces êtres dépendait cependant des conditions géographiques où
ils se trouvaient :
dans les Altiplanos, c'est à dire les hautes vallées et les plaines où ils pouvaient s'adonner à l'agriculture, ils se virent obligés de mettre en place une organisation sociale
afin de prospérer et de pouvoir développer les grandes civilisations pré-hispaniques que nous connaissons aujourd'hui. Paradoxalement, cette hiérarchisation des sociétés,
souvent trop rigide, est la principale cause de leur défaite : ce fut en effet plus facile pour les conquérants d'utiliser les dissensions pour éliminer les élites et intégrer les masses
populaires au régime colonial.
Dans les forêts et savanes, les indigènes vivaient de la chasse et de la conquête et une structure bien établie n'était donc pas nécessaire.
Dans les îles, la végétation luxuriante et les conditions d'isolement, n'obligeaient pas les habitants "tainos", a lutter contre leur survie. Ils furent aussitôt détruits
par les espagnols.
L'évolution historique explique ainsi la diversité ethnique : l'Amérique est une terre de rencontres, de croisements de
peuples et de cultures, venus d'Europe méditerranéenne et d'Afrique (esclavage) et le métissage entre ces peuples et les indigènes qui eut lieu à partir du XVI ème siècle est le plus
caractéristique de la population hispano-américaine. Pourtant tout n'est pas si homogène :
- Dans les îles des Caraïbes, l'intensité de la conquête anéantit complètement les indiens en les remplaçant dès le XVème siècle par les esclaves noirs amenés
d'Afrique.
- Dans le cône sud, il y avait peu d'indigènes et ceci furent éliminés par l'émigration intensive du XIXème siècle. Le Chili et l'Argentine sont les exemples types d'une population très proche de
l'Europe (Espagne et Italie).
- dans la zone méso-américaine et andine, les conquérants profitèrent de la solide organisation des empires aztèques et incas pour utiliser les indiens comme main d'oeuvre, engendrant
un métissage immédiat.
- Sur la côte pacifique, dès la seconde moitié du XIXème siècle, l'émigration asiatique s'accélère pour combler le manque d'ouvriers dans les grandes propriétés terriennes.
- Bien sûr il ne faut pas oublier les conséquences de l'Histoire qui changea aussi la face de cette population. La Seconde Guerre Mondiale apporta de nombreux allemands (y compris de
nombreux nazis en Argentine-Uruguay et Chili ) et fit augmenter la communauté juive sur le continent.
LES CIVILISATIONS
Sur les fondations des cultures amérindiennes
détruites, les colonisateurs imposèrent leur religion, le catholicisme, leur langue, l'espagnol et le portugais mais aussi leur structures mentales, les institutions, les
techniques et les coutumes.
Quelques sociétés indigènes réussirent à préserver une partie de leur identité culturelle à travers leur langue, choisie comme moyen
d'évangélisation par les missionnaires : le guarani (Paraguay), le quechua (Pérou, Equateur, Bolivie), le Aymara (zone andine), le Nahualt (Mexique) et le Maya-quiché (Amérique centrale et
Mexique)
Dans le domaine religieux, il y eu donc contact entre deux cultures et il se produisit une assimilation de l'une par l'autre. C'est
ce qu'on appelle le syncrétisme. L'imposition officielle du catholicisme, très superficiel, se préoccupait surtout des rites, plus assimilables que la pensée. Ce ne fut donc pas un
endoctrinement mais juste l'imposition d'appliquer les rites catholiques.
Il existe également un syncrétisme culturel, qui fait la joie des touristes lors de la représentation de diverses cérémonies.
LES ECONOMIES
Les caractéristiques géographiques et climatiques de l'Amérique latine expliquent la richesse en produits agricoles
et miniers : le Brésil, la Colombie, Le Venezuela et le Mexique figurent en première liste en tant que producteurs de produits appréciés sur le marché comme le café, la canne à sucre, le cacao,
la banane ou le pétrole... Cette diversité fait que parmi les pays en voie de développement, l'Amérique est plus productive que l'Asie ou l'Afrique.
Mais l'histoire coloniale explique le retard dans le développement du secteur secondaire, qui a fait de l'Amérique latine un
producteur de matières premières et acheteur de produits élaborés, à travers des échanges on ne peut plus inégaux. D'abord, l'Espagne y chercha les métaux précieux (or et argent) et ensuite les
matières premières agricoles et minières tout en y trouvant un débouché pour sa propre production. Notons que cette situation ne changea pas avec l'indépendance puisque l'Amérique tomba vite dans
les mains des britanniques puis des américains. Après les colonies, c'est la période du néocolonialisme qui s'impose.
Les échanges commerciaux se sont surtout développés durant le XIXème siècle, juste après l’indépendance : le sous-continent s’intégra au marché mondial en tant qu’exportateur de matières premières et importateur de biens manufacturés venus d’Europe, surtout la Grande Bretagne, première puissance économique mondiale qui imposa les règles du libre échange.
Dans ces conditions, l’Amérique latine dut s’adapter aux règles du marché international : la privatisation des terres permit la formation des grandes propriétés terriennes (latifundios) propices à la culture de produits exportables. Mais ceci a un côté pervers puisque les paysans des anciennes communautés indigènes se voient privés de leurs terres et forment un nouveau prolétariat rural ou minier.
Parallèlement, les investissements étrangers se font de plus en plus nombreux. Ils proviennent surtout de la Grande Bretagne puis des Etats-Unis d’Amérique et permettent la construction des infrastructures indispensables à l’expansion économique : chemins de fer, ports, télégraphe, téléphone et autres.
Le système crée cependant de gros déséquilibres :
- L’orientation économique n’a pas lieu selon les besoin interne mais selon la volonté des grandes puissances. Tout conduit donc à une monoproduction et à la rareté de certains produits.
- Le développement privilégie les zones de production des pays riches en produits appréciés par les étrangers, aux dépens des pays aux ressources moins importantes.
Cette situation conduit à une vulnérabilité beaucoup plus forte face à la demande extérieure dont l’Amérique latine est désormais complètement dépendante. De plus, cette dépendance sert d’arme politique : par exemple, en 1973, le boycott du cuivre chilien contribue à la chute du Président Allende et au coup d’Etat militaire.
Mais la première et la seconde guerre mondiale constituent des circonstances favorables pour l’économie de l’Amérique latine : les puissances européennes ne peuvent plus produire de biens exportables et ont besoin de produits alimentaires de première nécessité : blé, viande, minerais. Beaucoup de pays hispano-américains en profitent donc pour multiplier leurs exportations tout en diminuant les importations : les excédents commerciaux augmentent et l’économie devient un peu plus indépendante. Bien sûr, seuls les pays ayant la possibilité de produire ces produits demandés et qui possèdent une main d’œuvre suffisante, peuvent profiter de cette aubaine (Brésil, Argentine, Mexique). Ceci explique donc le développement inégal et le retard économique des pays d’Amérique centrale.
Ce développement permit l’émergence de la classe ouvrière et des classes moyennes conduisant à une augmentation du niveau de vie, toujours limitée par le haut développement démographique.
Pourtant, cette situation prend fin dans les années cinquante quand l’Europe se reconstruit et que les progrès techniques s'opèrent dans les pays développés. A nouveau, l’Amérique latine est incapable de concurrencer et de résister au néocolonialisme des Etats-Unis (ce colonialisme est d’ailleurs la première cause de la Révolution cubaine qui lutte pour son entière indépendance). Les grands industriels, les multinationales s’imposent dans certains pays et sont même encouragés par des gouvernements autoritaires comme au Brésil ou au Mexique.
Dans les années soixante-dix, ce processus de développement s’accentue et des techniques plus sophistiquées deviennent nécessaires. Malheureusement, les économies locales sont incapables d’apporter des solutions favorables. En 1974, par exemple, on découvre de nombreux gisements pétroliers dans le golfe du Mexique, faisant de ce pays le 4èmeexportateur de brut au monde. Mais le coût d’exploitation (extraction off-shore) est très élevé et la demande de crédits étrangers est inévitable. C’est le début de la dette extérieure qui ne cessera d’augmenter à cause de la chute des prix des matières premières et des taux exorbitants des intérêts.
1982, signe donc l’année du désastre quand le Mexique est au bord de la faillite avec une dette extérieure de plus de 81 milliards de dollars. L’Argentine, le Brésil, le Venezuela, le Chili et les autres s’enfoncent dans le même marasme économique. En 1990, la dette de l’Amérique latine atteint les 420 milliards de dollars. Face à cette situation le FMI intervient et oblige les gouvernements à prendre des mesures drastiques et des restrictions budgétaires (réduction des coûts de santé et d’éducation, baisse des salaires …). Il faudra attendre les années 90 et l’arrivée des politiques néolibérales pour voir poindre une récupération économique (la situation sociale n’est cependant pas encore améliorée).
Parallèlement à ces politiques économiques, les pays d’Amérique latine essaient de réunir leurs efforts dans des « marchés communs » pour augmenter leur capacité commerciale.
La peur des USA, qui voit aussi dangereusement le dynamisme du Japon et le développement de la Communauté européenne, pousse Washington à tenter d’augmenter son influence sur le continent et crée le TLC, ou ALENA, qui réunira le Mexique, le canada et les USA (Début de relations difficiles entre le Mexique et ses voisins qui le considèrent comme un traître)
Au sud, l’Argentine, le brésil l’Uruguay et le Paraguay s’unissent dans le MERCOSUR qui réunit plus de 50% de la population et de la richesse de l’Amérique latine.
Ainsi, la place de l’Amérique latine dans les échanges internationaux ne cesse d’augmenter mais aux dépens du développement interne et d’un coût social très élevé.
LES SOCIETES LATINO-AMERICAINES
Dès le milieu du XXème siècle,
le développement économique a donc permis une amélioration des conditions de vie mais malheureusement cette situation n'est que passagère puisque dès les années 80, la régression gagne le
sous-continent et les politiques d'austérité conduisent à une augmentation de la pauvreté et à la marginalisation d'une partie de la société. Les politiques néolibérales permirent donc une
amélioration en termes macro-économiques mais le coût social est énorme : désindustrialisation, chômage, dégradation de la santé et de l'éducation. Aujourd'hui, on compte un peu plus de 200
millions de pauvres soit preque 50% de la population. Les conditions se détériorant, les maladies resurgissent et la violence gagne du terrain. On ne parle même plus de la délinquance, de la
corruption, de la spéculation et de la fuite des capitaux qui ruinent la société et l'économie des pays.
Ce déséquilibre a aussi lieu à l'intérieur même de chaque société et
notamment entre les villes et les campagnes : l'exode rural est un problème majeur.
L'Amérique
latine rurale
Malgré l'immensité du
territoire et de sa faible densité, le problème de la terre est le plus grave : les latifundios (grandes propriétés) et les paysans sans terre coexistent de plus en plus difficilement.
Le latifundio vient de la colonisation qui distribuait les
terres aux conquérants pour cultiver les produits locaux : cannes à sucre, café, cacao, tabac ou bétail. De cette propriété énorme, les paysans ne possédaient qu'une minuscule parcelle pour
subvenir, en partie, à leurs besoins personnels. Mais tout ceci était insuffisant et ils devaient acheter les produits à leur maître qui leur faisait bien sûr crédit : un crédit veut dire
dépendance car le remboursement était impossible!!!
Cette situation, accompagnée d'une explosion démographique, fit
augmenter les tensions et déclencha les conflits : La Révolution Mexicaine de 1910 dont le slogan était le fameux Tierra y libertad poussa les gouvernements à reformer le système. Mais dans
les années 70, la majorité des pays latino-américains sont sous la tutelle de gouvernements militaires qui n'étaient bien sûr pas favorables à la répartition des richesses et qui préféraient
le développement d'une agriculture mécanisée, industrialisée, tournée vers l'exportation afin d'équilibrer la balance commerciale. Une agriculture pour l'étranger conduit à une baisse de la
production pour l'alimentation interne : la malnutrition devient pesante et pour remplacer le gain de l'agriculture traditionnelle, certains se tournent vers la drogue qui promet un
enrichissement rapide. Les conflits sociaux se généralisent avec les assassinats des liders, les insurrections se multiplient (Chiapas au Mexique) et l'exode rural s'accélère vers la ceinture de
la pauvreté (el cinturon de pobreza) des grandes villes.
L'Amérique
latine urbaine
Entre 1950 et 1979, on estime que 40 millions de paysans se sont dirigés
vers les grandes villes, attirés par la création d'emplois industriels et de services. Mais dès les années 70, les possibilités d'emplois diminuent parallèlement à la poursuite de cet exode
rural : l'espace urbain se dégrade et les villes s'étendent jusqu'à former d'énormes mégalopoles : la pollution et la misère sont maintenant omniprésentes. Dans des villes comme Mexico, la plus
grande ville au monde, le manque d'eau se profile et les maladies chroniques font partie du lot quotidien des habitants. Seul un événement naturel a pu freiner un peu l'exode vers
Mexico : le tremblement de terre de 1985, provoquant 30 000 morts. Il marqua les esprits et il poussa les politiques à prendre des décisions pour lutter contre l'exploitation de la pauvreté par
les entreprises de construction (le scandale venait du fait que les pauvres devaient payer des dessous de table pour ne pas respecter la loi antisismique qui faisait augmenter les tarifs de la
construction. Malheureusement, cette économie n'épargna pas leur vie!!)
LES MOUVEMENTS MIGRATOIRES
Bien sûr, cette situation
(sans compter l'installation des dictatures) conduisit bon nombre de latino-américains à quitter leur pays pour s'installer sur le territoire de la première puissance mondiale qui
devient en 1980 le 5ème pays hispanophone du monde. Le nombre de latinos aux Etats-Unis est difficile à évaluer puisqu'une grande partie est illégale. L'estimation s'élève aujourd'hui à
plus de 40 millions. Leur taux de natalité étant très élevé, leur nombre dépassa celle des noirs américains et les "hispanos" deviennent donc la première minorité ethnique du
pays.
Les plus nombreux sont les mexicains, les portoricains et les exilés cubains.
LES
INDIENS
A l'intérieur de l'Amérique latine, il y a aussi une population marginalisée. Ce sont los
indios, noms donnés par erreur par Christophe Colomb qui pensa être arrivé en Inde.
Dès la conquête, ils furent objet de ségrégation et d'exploitation : on détruisit leur culture, on s'attaqua à leur mode de
vie communautaire et on les expulsa dans des zones hostiles. L'indien, c'est celui qui parle l'une des nombreuses langues des 400 ethnies différentes. Ils représenteraient aujourd'hui
10% de la population, vivant surtout dans la zone andine et en Amérique centrale, marginalisée, parquée dans les quartiers de misère ou au fin fond de l'Amazonie. Dans les années 70 a lieu ce
qu'on appelle "el despertar indio". Les indiens vont enfin revendiquer leurs droits et le respect de leur culture afin de sortir de la marginalisation. En 1992, un événement signe
la naissance de ce mouvement et sa reconnaissance : l'attribution du prix Nobel de la Paix à Rigoberta Menchu. Reconnaissance internationale certes, mais sur place, les luttes doivent se
poursuivre et devenir de plus en plus violentes pour atteindre les objectifs fixés (Chiapas).