Humahuaca tout en couleur.

Publié le par Sébastien Poutrain


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Salta la Belle s’éveille.


Les vingt-six degrés nous accablent déjà. Pas une brise, ni même un petit nuage d’espoir. Le colibri profite inlassablement de ces derniers moments de fraîcheur pour butiner les couronnes du jasmin dont la fragrance vient titiller mes évents, fervents amateurs de ces bouquets d’effluves andines.

De la nature, la fraîche, c’est vraiment tout ce que mon corps demande ce matin. Que donnerais-je pour admirer la platitude de l’Atlantique ? Que ferais-je pour entendre le bruit de ses vagues se déferlant impétueusement sur la grève foulée par les promeneurs du dimanche ? En fait, je ne ferai rien et je ne donnerais rien, j’ai tellement trouvé mieux…

            Du terminal de la ville, le bus de sept heures, le « colectivo » comme on le nomme ici, s'apprête. La foule bigarrée s’en approche et les langues, toutes les langues, se délient face à l’anarchie habituelle qui règne en maître ici. En quelques secondes, une vraie Babelle s’installe sur le quai et lui  donne un peu plus de vie que de coutume. Sur les visages cuivrés, souvent les moins expressifs, on peut lire les derniers signes de torpeur. Les visages blancs des « gringos », se réveillent quant à eux dans l’excitation de la découverte de l’inconnu.

            Nos corps abattus par le sommeil s’installent, les moteurs vrombissent et nous voici partis, laissant derrière nous les dernières lueurs de la ville.  

            Malgré la chaleur de l’été, le mois de janvier apporte également son lot de pluies qui rendent les « cerros » [1] d’une beauté exceptionnelle. Les flancs verdoient,  les champs de maïs et de cannes à sucre se regorgent de cette eau bienfaisante qui leur redonne vie après les mois secs de l’hiver austral. Le ceibo, arbre cher au grand Neruda, fait éclater le rouge sang de ses fleurs comme pour montrer aux nouveaux-venus qu’il est encore le maître de la forêt américaine. Mais, peu à peu, comme nous, il disparaît sous cette exubérante frondaison tropicale peuplée de nuées de papillons virevoltant sans répit au gré de la brise parfumée.

            Mais tout à une fin et soudain, après avoir longé sur des kilomètres le Rio Grande et traversé la ville de Jujuy, le vent se lève et fouette avec force d’autres paysages. Tout se bouscule, la forêt tropicale disparaît pour laisser place à ces champs de cactus imposants qui, selon la légende seraient les âmes des indiens réincarnés en plante pour protéger la vallée, le vert s’efface sous une pierre rouge brûlée par les rayons du soleil, l’herbe meurt sous la terre bleue chargée de minerais de fer, et que dire de ces colonnes incommensurables qui s’élèvent dans les cieux en vous rappelant fièrement que vous n’êtes rien de plus sur cette terre qu’un de ces petits cailloutis qui n’ont de cesse d’être baladés par le vent et les eaux ruisselantes d’une averse d’été.

            Il me vient alors des mots que j’avais cru oubliés. Des vers que m’avaient nourri il y a quelques temps et qui rythmaient mes soirées de solitude et mes pensées funestes :

 
Dichoso el arbol que es apenas sensitivo                              Heureux cet arbre qui ne sent guère 
Y mas aun la piedra, porque ella ya no siente                      Et encore plus la pierre qui elle ne sent rien
Pues no hay dolor mas grande que el dolor de ser vivo,      Car il n'y a pas de douleur plus grande que celle d 'être vivant
Ni mayor pesadumbre que la vida consciente                      Ni plus grande douleur qu'être conscient de la vie 
Ser, y no ser nada, y ser sin rumbo cierto,                             Etre, et n'être rien, et être sans véritable but, 
Y el temor de haber sido, y un futuro terror,                         Et la peur d'avoir été, et une terreur future 
Y el espanto seguro de estar mañana muerto,                       Et l'effroi inévitable d'être mort demain 
Y sufrir por la vida y por la sombra y por                             Et souffrir pour la vie, et pour l'ombre et pour, 
Lo que no conocemos y apenas sospechamos,                      Ce que nous ne connaissons point et soupçonnons à peine, 
Y la carne que tienta con sus frescos racimos ,                      Et cette chair qui tâtonne avec ses frîches grappes  
Y la tumba que aguarda con sus funebres ramos,                Et cette tombe qui attend avec ses funèbres branches 
Y no saber adonde vamos,                                                      Et ne pas savoir où l'on va
Ni de donde venimos !                                                            Ni d'où nous venons!  

 
              Ces vers m’assaillent, ces vers me heurtent, ces vers me tuent. Et face à une telle terreur et une telle impuissance, je ferme les yeux et me résigne à une ultime pensée : je ne suis que moi et je ne suis rien.




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En attendant, voici quelques prises
 



[1] Dans la zone andine, le mot « cerro » signifie la montagne.

[2] Poème du moderniste Nicaraguayen Ruben Dario : « lo fatal »

Publié dans L'Argentine

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E
Bonjour sébastien,<br /> merci beaucoup pour ces informations, elles vont nous aider à faire nos choix. <br /> A bientôt peut-être,<br /> élodie
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S
<br /> <br /> A très bientôt. Bonne préparation et surtout commencez à rêver car ça c'est déjà le début du voyage!<br /> <br /> <br /> <br />
J
Merci pour le tuyau des distances!<br /> Si j'arrive à faire goupiller tout ça, je reviendrais surement pour profiter de tes conseils! :) L'expérience, le vécu de ceux qui sont passés par là aide beaucoup à préparer un voyage!<br /> <br /> Julien
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J
Salut Sébastien,<br /> <br /> Merci pour l'aide que tu proposes et pour ta réponse on ne peut plus complète!<br /> Et je suis content d'apprendre que c'est une très bonne époque pour profiter des magnifiques couleurs des paysages! Me reste plus qu'à motiver mes troupes maintenant! :)<br /> <br /> Bonne continuation à toi,<br /> Un saludo!<br /> <br /> Julien
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S
<br /> En leur disant qu'il n'y a pas plus beau en Amérique du sud, tu les convaincras sans problème!<br /> Bonne continuation et bonne préparation. (Attention à l'évaluation des distances pour ta préparation du voyage)<br /> A+<br /> <br /> <br />
J
Salut!<br /> <br /> Très joli blog tant au niveau des photos que des billets!<br /> <br /> Est ce que tu pourrais me dire quelle température il fait en Bolivie dans des endroits comme le Salar d'Uyuni, ou bien la Laguna Verde en septembre / octobre. Le jour, la nuit?<br /> <br /> Merci d'avance et bonne continuation!<br /> <br /> <br /> Julien
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S
<br /> <br /> Bonjour Julien,<br /> Merci beaucoup pour ce petit message qui fait toujours plaisir. <br /> L'hiver sur le Salar est surtout rude de mai à fin août avec des températures nocturnes pouvant descendre jusque -20 degrés. En septembre, il y a souvent une accalmie<br /> puis une nouvelle baisse des temprératures à la fin du printemps (octobre) pour remonter ensuite. Ainsi à ta période, compte en moyenne une vingtaine de degrés le jour  mais des<br /> nuits descendant entre -5 et -10 degrés. Malgré ce froid, la période est excellente pour pouvoir profiter pleinement des paysages car le ciel est vraiment dégagé et les couleurs époustouflantes.<br /> Sur les lagunas, il fera plus froid car tu seras à environ 5000 mètres d'altitude.<br /> N'hésite pas si tu as besoin.<br /> <br /> <br /> A bientôt Sébastien<br /> <br /> <br /> <br />
P
Mon moment de honte passée, je voudrais savoir de qui est ce poème. Merci<br /> Maryse
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S
<br /> <br /> Bonjour Maryse,<br /> Pourquoi un moment de honte? Il n'y a pas de honte à ne pas savoir. Le principal est d'apprendre. Ce poème est de Ruben Dario, un poète nigaragayen du 19ème, un des chefs de file du mouvement<br /> moderniste hispano-américain (avec Leopoldo Lugones ou José Marti entre autres). Ce mouvement est un des rares mouvements littéraires dans le monde qui ait influencé la culture de l'ancien pays<br /> colonisateur. Rare est le vaincu qui domine mais ce fut le cas avec le modernisme. Je suis sûr que tu connais toi aussi un poème moderniste hispano-américain... Guantanamera, Guantanamera,<br /> guajita guantanamera (chanté par Joe Dassin) de José Marti (grand nom de la Révolution cubaine et symbole identitaire de l'Amérique latine). <br /> Merci pour ton passage et à bientôt j'espère. Un bon week-end (en france, je présume). Sébastien<br /> <br /> <br /> <br />